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L'Écrhistoires
10 février 2018

La littérature au Moyen-Âge - Contexte

 

Comme je l’annonçais lundi, j'ai décidé de vous parler littérature française, plus exactement histoire de la littérature française, à raison d'une à deux fois par mois.

Plus jeune, lorsque mon cœur balançait entre histoire et littérature, je m'imaginais parfois en médiéviste chevronnée qui manipulerait de précieux manuscrits les mains munies de gants blancs -depuis j'ai appris que ceux-ci étaient déconseillés...- . Il était donc hors de question de faire l'impasse sur le Moyen-Âge dans notre histoire de la littérature française !

Pourtant le Moyen-Âge reste, à mon sens, une des périodes les plus complexes à comprendre. Déjà parce qu'elle dure mille ans et que l'ambition de la réduire à quelques notions semble insensée. Bien entendu je ne compte pas traiter du sujet avec un seul article. Aussi j'ai décidé de vous faire profiter de quelques préliminaires -et qui n'aime pas cela ?-. Car la littérature médiévale a quelques particularités et il paraît raisonnable d'en faire un bref résumé.

 

I. Une question de langues

 

Avant toute chose, il faut comprendre qu'au Moyen-Âge, il n'y avait pas une seule langue mais plusieurs. Les deux principales étaient la langue d'Oc et la langue d'Oïl, toutes deux issues du gallo-romain.

La langue d'oc (ou occitan) prédominait dans le sud de la France, encore aujourd'hui elle est la langue régionale la plus parlée en France. Bien que nous n'allons pas nous appesantir sur la littérature occitane, il faut garder à l'esprit qu'elle a été très importante au Moyen-Âge. De nombreux textes nous sont parvenus, un des premiers d'entre eux étant la Chanson de Sainte fois au XIe siècle.

C'est pourtant de la langue d'Oïl que nous vient la langue qui est nôtre aujourd'hui. Si dans un premier temps elle se confond avec l'ancien français, les deux langues deviendront distinctes à la fin du Moyen-Âge. En vérité on ne devrait pas parler de la langues d'Oïl mais des langues d'Oïl puisque que l'ancien français n'est qu'un des dialectes considérés comme telles. Parmi eux on peut compter, entre autres, le lorrain, le picard, le normand, le bourguignon,... Il semble que ce soit le francien -parlé en Île-de-France- qui deviendra la norme du français littéraire dès la seconde moitié du XIIe siècle.

Pourtant, comme nous allons le voir dans la suite de l'article, il n'y a pas seulement un bilinguisme à cette époque mais un trilinguisme. Car à la langue d'Oc et aux langues d'Oïl, on peut rajouter la langues des lettrés : le latin.


Manuscrit de Guillaume de Tudèle et continuateur anonyme, Chanson de la Croisade contre les Albigeois, manuscrit de 1250-1300 écrit en occitan ancien

 

II. De l'écrit de la langue vulgaire

 

Si les gens du peuple parlaient le dialecte de leur région, les lettrés devaient maîtriser le latin puisque tous les écrits étaient rédigés dans cette langue. Cette domination sera mise à mal au Concile de Tours en 813 quand les évêques, rassemblés par Charlemagne, recommandèrent de prêcher en roman. C'est toujours mieux de comprendre quand on nous explique comment éviter l'Enfer ! Cet événement marque la reconnaissance du roman comme langue. On pourrait penser que le Concile a immédiatement révolutionné l'écrit mais c'est très loin d'être le cas. Il faudra attendre 842 pour que le premier texte écrit dans une autre langue soit attesté. Il s'agit des Serments de Strasbourg qui signe une alliance militaire entre Charles le Chauve et Louis le Germanique. Quant au premier texte littéraire, il faudra encore attendre au moins 38 ans !

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Manuscrit de Nithard, petit-fils de Charlemagne, dans lequel il rapporte l'épisode des serments de Strasbourg

C'est à partir fin du IXe siècle qu'apparaissent des textes composés en langue vulgaire. Notez aussi que le roman littéraire est d'abord en vers. Ce n'est que dans la seconde moitié du XIIe siècle que la prose commence à apparaître comme forme littéraire.

Malgré tout, le latin reste la langue savante. La rivalité avec le roman s'affirmera au XIe siècle avec la chanson de geste -je vous en parlerai plus longuement- et au XIIe siècle avec la poésie lyrique en langue occitane. Ce sont ces textes qui donnent au roman et à l'occitan le statut de langue littéraire.

À partir du XIIe siècle, tous les domaines -sauf peut-être la théologie et la philosophie- d'abord réservés au latin sont investis en français. Mais cela ne doit pas nous faire oublier l'influence énorme du latin classique et médiéval tout au long du Moyen-Âge.

 

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Charlemagne et Pépin le Bossu. Copie réalisée au Xe siècle d’un manuscrit original datant d’entre 829 et 836 | Wikimédia Commons

III. Une transmission très limitée

 

Même rédigés en langue vulgaire les livres sont réservés à une élite restreinte. La culture est essentiellement transmise à l'orale. Lorsque l'on étudie de près les œuvres littéraires médiévales, il est indispensable de garder cette particularité à l'esprit : les textes sont crées pour être dits ou chantés.

Quant aux livres manuscrits il sont transcrits à la main par des copistes. Non seulement la pratique est longue et fastidieuse mais elle reste surtout onéreuse. Un nombre limité de manuscrits nous est donc parvenu. De plus certains d'entre eux sont très abîmés et ne permettent pas d’accéder à l'intégralité de l’œuvre, comme pour les fragments du Tristan de Béroul. Même quand le parchemin est en bon état, il ne faut pas oublier que le contenu varie toujours d'une copie à l'autre.

À partir du XIVe siècle, les milieux aristocratiques et la haute bourgeoisie s'intéressent à la question et commandent des manuscrits. Il y a même des collectionneurs célèbres comme Jean de Berry ou René d'Anjou.

 

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Comme vous venez de le voir le contexte linguistique et éditorial du Moyen-Âge reste particulier et il me semble difficile de comprendre la littérature de cette période sans prendre en compte cet environnement. Maintenant que c'est fait, je vous donne rendez-vous dans deux semaines pour assister à rien de moins qu'à la naissance de notre littérature !

 

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