La poésie 2 – la versification
Comme je le rappelais dans l'article précédent sur la poésie, cette dernière ne peut en aucune façon se définir par la versification, à ce propos je citais l'exemple du haïku japonais. Pourtant on sait la place centrale que tiennent les vers dans la poésie française.
Il va sans dire que nous parlerons aujourd'hui essentiellement de versification française. Les règles de versification diffèrent nettement selon les pays. Ainsi, dans la poésie anglaise, l'accent tonique est capital. Enfin nous n'aborderons que le vers et laisserons de côté la rime qui mérite un article complet...
I. Les différents types de vers
Partons du commencement : qu'est-ce qu'un vers ? Traditionnellement, un vers s'écrit sur une ligne, il est précédé et suivi d'un blanc typographique.
Marquise, si mon visage
A quelques traits un peu vieux,
Souvenez-vous qu'à mon âge
Vous ne vaudrez guère mieux.
À la Marquise, Pierre Corneille
Il existe plusieurs types de vers :
-
les vers métriques qui sont aussi nommés vers compté car ils comportent un nombre de syllabes prédéfini -donc que l'on compte-.
Quand je vivais tendre et craintive amante,
Avec ses feux je peignais ses douleurs :
Sur son portrait j'ai versé tant de pleurs,
Que cette image en paraît moins charmante.
L'Amour, Marceline Desbordes-Valmore
-
les vers rapporté qui peuvent se lire en ligne et en colonne
Quercy, la cour, Le Piémont, l’Univers
Me fit, me tient, m’enterra, me connut.
Épitaphe d'Etienne Jodelle, dédiée à Clément Marot
-
les vers blancs qui respectent le décompte syllabique mais pas les rimes
-
les vers libres, sans structure régulière, c'est à dire sans rime, sans mètre, sans strophe.
A la fin tu es las de ce monde ancien
Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin
Tu en as assez de vivre dans l'antiquité grecque et romaine
Ici même les automobiles ont l'air d'être anciennes
La religion seule est restée toute neuve la religion
Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation
Extrait de Zone- Apollinaire, Alcools (1912)
Guillaume Apollinaire
II. Le vers métrique
La poésie dite classique comportent en général des vers métriques. Ces derniers sont de deux sortes :
-
simples quand les mètres ont moins de 8 syllabes ou pieds.
-
composés lorsqu'ils possèdent au moins 9 syllabes ou pieds.
Le vers composé classique ne se caractérise pas seulement par son plus grand nombre de syllabes. Il peut en effet être lui-même décomposé en deux parties : les hémistiches.
L'orchestre au grand complet contrefait mes sanglots
Ces hémistiches sont séparés par la césure, du latin caesura « coupure ». C'est le point fixe qui partage les vers composés.
Césure, du latin caesura « coupure », point fixe de partage des hémistiches dans les vers de plus de huit syllabes.
Il sait votre dessein // ; jugez de ses alarmes.
Ma mère est devant vous, // et vous voyez ses larmes.
Pardonnez aux efforts // que je viens de tenter
Pour prévenir les pleurs // que je leur vais coûter.
Iphigénie, Racine, Acte IV, scène 4
Le nom d'un vers dépend du nombre de syllabes -ou pieds- qu'il comportent.
-
Le monosyllabe -un pied-
-
Le dissyllabe -deux pieds-
-
Le trisyllabe -trois pieds-
-
le tétrasyllabe ou quadrisyllabe -quatre pieds-
La lune blanche
Luit dans les bois ;
De chaque branche
Part une voix
Sous la ramée...
Extrait de La lune blanche luit dans les bois – Verlaine,La Bonne chanson
-
le pentasyllabe -cinq-
-
l'hexasyllabe -six-
-
l'heptasyllabe -sept-
La Fourmi n'est pas prêteuse :
C'est là son moindre défaut.
Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
Extrait de La Cigale et la Fourmi – Jean de la Fontaine
-
l'octosyllabe -huit-
Tandis qu'à leurs œuvres perverses
Les hommes courent haletants,
Mars qui rit, malgré les averses,
Prépare en secret le printemps.
Extrait de Premier sourire du Printemps – Théophile Gautier
-
l'ennéasyllabe -neuf pieds-
-
le décasyllabe -dix pieds-
Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber,
Un air très-vieux, languissant et funèbre,
Qui pour moi seul a des charmes secrets.
Extrait de Fantaisie – Gérard de Nerval
-
l'hendécasyllabe -onze-
-
l'alexandrin -douze-
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Extrait du Dormeur du val – Arthur Rimbaud
Arthur Rimbaud
Quel genre de vers préférez-vous ?